Un rien zorro et beaucoup du pirate : personne ne connait son vrai nom, et, même si ses actions ont souvent lieu en plein jour, rares sont ceux à avoir vu son visage.
Martin Parker c’est Anonymous ! Un Robin des villes qui, loin de la bombe aérosol s’exprime en un Street… arme fatale aux pouvoirs. Ceux de la politique, de la finance en particulier.
Héritier des événements de Mai 68 et de l’esprit du philosophe G. Debord et consorts, Fluxus par exemple, le trentenaire se définit justement comme « artiste situationniste urbain ».
Et ce dangereux « artiviste » est considéré comme l’un des chefs de file du courant «Urban Hacking» aux États-Unis qui, précise-il, « consiste à se réapproprier nos lieux publics et notre environnement urbain en pratiquant le piratage de messages ou le détournement fonctionnel ».
Alors que faut-il voir ? De plus ou moins jolies images, pour rendre la ville plus vivable, oh que non !
Nous sommes ici loin du décoratif, de l’esthétisation et bien sûr, à contre-courant d’un Street Art qui n’en est plus un lorsque ayant changé de support et de contexte, il s’exp(l)ose sur toile en galerie, devient institutionnalisé.
En effet, comme le souligne M. Parker, ce qui caractérise ce type d’art urbain apparu au milieu des années 2000, est « moins picturale et académique que le Street art traditionnel : prenant la forme d’installations ou de performances in situ. »
Parmi ces représentants, encore peu nombreux, citons les français B. Gaulon ou F. Rivière, l’italien Fra Biancoshock, et les Américains Plastic Jesus pour la Côte Ouest. Et donc M. Parker, quand à la Côte Est.
Minimalisme efficace
Sans aller exactement dans le même sens, mais cousins cependant, Invader, M. Jenkins (Artension n° 120) ou encore Rero sont les artistes urbains, assez conceptuels, que M. Parker aime citer. On peut y ajouter L’Atlas, Zeus ou par certains aspects Banksy. M. Parker est à l’initiative du mouvement NUP (Nasty Urban Piracy).
Notre confrère P.W. Gunningham, dans le numéro de janvier 2013 de French Connection, le magazine culturel Français aux États-Unis, remet les pendules à l’heure de la critique, en matière de politique et de social : « NUP (se caractérise par) une expression visuelle minimaliste pour que la forme ne parasite jamais le fond. (…)En éliminant le bavardage graphique et en ne se situant pas dans la représentation, NUP redonne aux mots toute leur portée et aux messages toute leur forme ».
M. Parker fait feu de tout… lieux et mobiliers urbains : Distributeurs automatiques d’armes, fausses mais visant si juste sur la cible du lobby américain des armes librement achetables selon le 2è amendement de la Constitution ; détournement de nom d’établissements bancaires tant aux États-Unis qu’en France -Crédit du Nord devient ainsi, anagramme à une lettre près Rond de Cuir ; etc. Autant d’actions pour développer son Banksters Project débuté en 2010.
La place nous manque pour évoquer tous les strikes de M. Parker, ses « champs de batailles » comme il le dit, les spots qu’il a choisi d’investir pour ses interventions, la plupart du temps selon la technique du wheatpaste (collage inspiré de l’affichage publicitaire). Par exemple dans le Val de Marne en 2013, où 50 panneaux de circulation se voient parés de l’image stylisée d’un bel étron, indiquant une curieuse Dépose Minute ; ou, à Paris, une vingtaine de bancs publiques hérissés de fils, devenant Bancs anti pigeons.
De contestation en conservation
Une sculpture constituée de cailloux, dans le hall d’une gare, se voit transformée en Distributeur de pierres pour lapidation en place publique. Allusion douloureuse au sort réservé aux femmes des pays musulmans qui ne suivent pas la ligne… religieuse ou sociale. Etc.
« Ma position est immuable. Je ne suis représenté par aucune galerie par soucis de cohérence. L’Art dans la rue doit y rester, sinon cela s’appelle du Pop Art, de la Figuration Narrative ou, pourquoi pas, du Néo Pop Art Urbain. »
Cependant, cette année, il prépare un grand solo show au centre d’art PS 122 à New York : « J’envisage des installations présentant des reconstitutions de mobilier urbain détourné (radar fixe muté en mitrailleuse, horodateur transformé en mammographie minute, etc.) et des photos de mes différentes performances ; des enseignes de néon détournées reconstituées ; et quelques vidéos de mes performances de rue projetées. »
Si vous êtes à Big Apple, croquez avec gourmandise cet art au délicieux / délictueux goût de contestation.