POUR OU CONTRE LE STREET ART CHEZ MONOPRIX ?
MARTIN PARKER : “ COLLABORATION ”, TOUT EST DIT !
Se revendiquant totalement situationniste, le travail de Martin Parker s’inscrit dans le mouvement du Urban Hacking à travers des actions de rue drôles et impertinentes. Loin de l’esthétisation, cet artiste franco-américain n’est pas là pour faire de la déco, il a d’ailleurs lancé le mouvement Nasty Urban Piracy. L’artiste activiste défend bien en cela les valeurs d’un art urbain rebelle.
Il a réalisé début septembre 2014 une série d’interventions sur les vitrines de plusieurs magasins Monoprix parisiens en détournant les codes visuels de leurs packagings afin de réagir contre leur Collection Street Art.
Les aérosol-artists issus de la plus pure tradition nord américaine de la fin des années 70 que j’ai tant admiré et qui ont fait ce que je suis aujourd’hui avaient établi les règles du jeu d’un Art de rue à l’époque mal considéré et malmené par les institutions.
J’ai un profond respect pour le boulot de ces kids, Bil Rock, Min One, Kel , Phase 2 et tant d’autres dont la tache admirable aura contribué à hisser le Graffiti vandale d’hier au rang d’Art Urbain reconnu aujourd’hui. Le chemin fut long…
Voici plus d’un an que je suis en résidence en France lorsque j’apprends que Monoprix mène dans tout le pays une opération baptisée “Collection Street Art “.
Interpellé par l’appellation “tendance”, je vais voir ce qui en retourne.
Je suis pris d’une douleur aigue au Fat Cap…
Carré de soie pur coton défraichi tout droit sorti d’une friperie solidaire au motif ripolino-tagué pour niçoises du troisième âge.
Culotte bariolée aux 4 couleurs primaires spéciale hyperménorrhées.
Torchon “chanmé“ dont l’avantage est de pouvoir l’oublier sur le feu de la cuisinière sans le moindre regret.
Robe informe à la tenue et aux couleurs approximatives rappelant la blouse ménagère de Yolande des Deschiens.
Et le fleuron de la collection : La manique semi-rigide pour gaucher déjà pré-tachée aux subtiles motifs répétitifs bleu layette. On peut désormais prendre à pleine main la grille du barbecue et épater ses voisins de camping !
Même si cette opération semble savamment marketée par le service planning stratégique de Monoprix, on a le sentiment que le bon goût a été oublié dans l’allée des surgelés et la subversion au rayon bricolage.
Malgré l’appellation très poétique de “fraîche, colorée et ultra-urbaine“, cette collection a une toute autre saveur à l’arrière goût putride de récupération ternissant un brun l’image du Street Art et ramenant ses acteurs au rang de designers de papier peint.
Emprunter ainsi les codes de la street-culture pour les balancer dans la fausse à purin de la grande distribution reflète un certain cynisme ou une totale incompréhension du sujet.
J’ai aussitôt l’idée de mener cette ”campagne“ de détournement d’affiches Monoprix consistant à modifier les messages existants tout en en gardant la charte graphique.
Aux couleurs de “Soupe de Street Art saveur marketing”, “Street Art pour les quiches” ou encore “Oui au Street Art Tarte”, ces affiches revisitées viennent orner les vitrines de plusieurs Monoprix de Paris et sa région.
Ce fut pour moi un moyen d’inverser un temps soit peu la tendance : Monop surfe sur le phénomène de mode, récupère le Street Art et en sort des produits de consommation cheap, je reprend les leur pour en faire du Street Art.
Je peux entendre le discours de certains artistes concernés tentés de dire que cette collection petit prix est une façon pour le grand publique de s’offrir de l’Art urbain à moindre coût.
Je les invite à descendre dans la rue y remettre le Street Art qui n’aurait jamais du la quitter. C’est encore là qu’il y est le plus abordable.
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