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Interview INZESTREET

12 Mai

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Interpellés par tant de mystères, mais surtout très curieux, INZESTREET a décidé de poser quelques questions à Martin Parker, qui nous a très gentiment répondu.

Au programme, graffiti, Street Art, pizza et Valérie Damidot…

 

Dans ton « A Propos » on peut lire que tu as commencé par le graffiti. Aujourd’hui le graff c’est totalement fini pour toi ?

Le graff a définitivement disparu de mon écriture graphique. Il a représenté pour moi une étape d’initiation.
Un apprentissage entre autre de ce qu’on peu appeler le 6ème sens du «Writer».
J’ai compris l’utilisation de certains outils et surtout, j’ai appris à passer du temps à repérer mes «Strikes», à les préparer un minimum afin d’œuvrer le moins inconfortablement possible.
C’est comme cela que j’envisageai le graff, je n’y était donc pas vraiment à ma place. Dès que j’ai découvert qu’il existait d’autres moyens d’expression urbains que la peinture aérosol, j’ai depuis beaucoup moins utilisé la bombe. C’était en 2003.
Il y avait dans le milieu du graff un état d’esprit binaire qui  me dérangeait.
Au delà d’une certaine conscience contestataire, la discipline manquait un peu de fond à mon goût et aurait pu se résumer à une maxime tout droit sortie de Fort Boyard : «Toujours plus haut, toujours plus gros, toujours plus fort !!!»
En explorant les arcanes de l’installation, de la performance et du Hacking urbain j’ai eu l’impression d’être en visite au musée et
de passer de la salle Art Moderne à la salle Art Contemporain.
 

Pourquoi tiens-tu à garder coûte que coûte ton anonymat et à ne jamais te montrer (point de vue que nous défendons également), alors qu’à Paris par exemple beaucoup font le contraire ? Paranoïa ou convictions ?

Par pure conviction nourrie d’un brun de paranoïa… J’ai toujours été relativement prudent et raisonné dans mes interventions
mais après le «Underbelly Poject » à New York en 2009 tout a changé et ma position s’est radicalisée.
Nous étions plus de 100 artistes a avoir investi le ventre de New York en transformant une station de métro abandonnée en gigantesque œuvre d’Art collective. N’oublions pas que nous étions en pleine ère post-11 septembre et que nous œuvrions au nez et à la barbe des autorités en alerte maximum… Lorsque la police a été informée, elle a poursuivi les artistes avec une telle frénésie qu’on a pu assisté à une cascade d’arrestations toutes plus musclées les unes que les autres.
Une grande majorité d’entre nous a du se faire oublier pour une très longue période. Je dois avouer qu’à partir de ce moment,
chacune de mes interventions urbaines était préparée et écrite comme du papier à musique.
Un définitive plongée dans l’anonymat commençai en même temps qu’un sentiment de gain de liberté grandissait chez moi.
Débarrassé de mon identité et de mon apparence physique, seul comptait désormais le fond dénué de toute forme.
Amputé de tout signe d’apparence extérieure, de toute étiquette sociale, de tout profil socio-professionnel, c’était comme gagner chaque jour un peu plus en «Street Credibility» le focus étant mis sur le travail plus que sur la personne… tout cela m’allait parfaitement.

Penses-tu que ceux qui se montrent ou acceptent tout un tas de collaborations que ce soit avec les marques ou les institutions cf Tour 13 font avancer les choses ou au contraire décrédibilisent ceux que beaucoup ont mis du temps à construire pour se faire respecter ?

Il y a deux poids deux mesures. Je ne mettrai pas dans la même catégorie les artistes «Muralistes» qui ont des écritures purement picturales et académiques et les «Activistes sociaux» qui font plus un travail sur l’idée dans la lignée des artistes conceptuels.
Certains peintres ont vite compris que œuvrer dans la rue leur amènerait beaucoup plus vite un public et on donc troqué leur toile et leur chevalet contre des murs dans la rue et pourquoi pas. En déménageant leur atelier dehors ils gagnent en notoriété.
Ce qui me gène c’est le Sreet Art estampillé comme tel et que l’on peu acheter en galerie ou en salle des vente.
Le «Street Art» appartenant à la rue, une fois qu’il en est sorti, il ne doit plus s’appeler «Street Art» c’est logique? Tout est une question d’appellation. J’appelle tous les galeristes et commissaires priseur à rebaptiser le Street Art de salon en «Néo Pop Urbain» ou «Art Contemporain Urbain»… Ceci reste à méditer.

D’autre part, la chose qui m’horripile le plus dans le fait que le Street Art s’institutionnalise est tout l’univers que cela draine :
ces gangs de photographes improvisés qui suivent les artistes à leur moindre scribouillages tels leur mémoire vivante,
ces cohortes d’officiels qui se succèdent à chaque baptême de mur pignon et enfin ces visites guidées organisées dans Paris et sa banlieue «coachées» par des vieilles peaux tirées toutes anciennes DRH à la retraite me donnent des relents de clubs de bridge pour troisième age.
Tout cela file un sacré coup de vieux au mouvement Hip Hop…

De même, dans ta présentation il y a beaucoup de références, tu cites beaucoup de personnes, mais il y a peu de liens ou d’illustrations. Pourquoi ? (Est-ce volontaire ?)

C’est volontaire. Je n’oublie pas d’où je viens mais je préfère ne pas trop m’y attarder, vieille coutume Française oblige…
En effet, c’est peu être très Français, mais on a tendance à se faire enfermer très vite dans ce qu’on a pu faire plus dans ce que l’on fait. Même si je n’ai vécu que 18 ans en France, je l’ai bien compris, et pour avoir rencontré nombreux artistes qui avaient un mal fou à se débarrasser de leur passé, je préfère ne pas trop évoquer le mien. Le public réclame souvent ce que nous faisions 10 ans auparavant… c’est bien connu.

Ton travail est assez engagé. Tu penses que l’engagement, les revendications ça se perd aujourd’hui et que beaucoup résument ce qu’il se passe dans la rue à de la technique pure ?

Tout à fait, c’est ce que j’évoquais précédemment. On a tendance à oublier que la genèse du Street Art était le graffiti et que c’était avant tout une revendication contestataire. Beaucoup de Steet Artistes aujourd’hui font n’importe quoi. Quand certains cimentent des moulages de leur visage sans autre forme de sens, d’autres collent des morceaux de miroir ou peignent des yeux sur les potelets d’acier des trottoirs Parisiens, il y a même d’anciens mail-artistes reconvertis au Street Art, arrêtons!
Ceux la font du mal à l’Art Urbain en le reléguant au rang d’Art décoratif de seconde zone.

Peux-tu nous en dire plus sur le Nasty Urban Piracy ?

NUP est un projet de «Urban Hacking» participatif qui démarra véritablement en 2001 sans en avoir encore le nom.
Véritablement participatif, ce projet aura été créé par le public et les fans eux même.
Suite à une grande campagne de stickage sur les panneaux routiers à New York, San Francisco et Vancouver, je reçu par mail toute une vague de photos d’interventions du public sur les panneaux routiers de leurs villes et pays. Ils avaient réalisé leur propres stickers à l’imprimante jet d’encre et avaient réalisé leur propres «Sticking Actions» sur parfois des centaines de panneaux. Ils reprenaient mes messages mais parfois inventaient les leurs. Je trouvais cela délirant ! Suivit ensuite la campagne de stickers sur les «Traffic Light Buttons» qui eu encore plus de succès. Je reçoit encore aujourd’hui les images des interventions de fans venant des quatre coins des States ! «Press to reset your life» devient «Press to reset the world», l’esprit est bel et bien là. Du «Urban Hacking» et du «JR»… avant l’heure.

Pour toi qui connais à la fois la « scène » US et française, quelles sont les grandes différences entre ces pays, que ce soit au niveau des artistes, du public et des institutions ?

Aux States, le graffiti a eu le temps d’être bien digéré depuis ces 40 dernières années et on peu dire à l’encontre de la France,
qu’on est réellement passé à autre chose. Le mouvement Culture Jamming est bien sur passé par là.
Aujourd’hui, le Sreet Art Américain c’est plus que jamais l’Up Cycling, le Ad Buster, l’Éphémeralism et le Urban Hacking.
Autant de courants qui flirtent avec l’Art Contemporain. On est passé outre l’esthétisation du Street Art pour se reconcentrer sur le concept.
L’Art Urbain américain est donc un Art conceptuel chargé de contestation et d’activisme sociale..
Cet nouvelle forme d’Art n’est pas prêt d’entrer en galeries et bien fort sera le marchant qui réussira à en tirer profit.
L’Art Urbain à donc retrouvé aux States sa gratuité de mise et son côté non commercial qu’il n’aurait jamais du quitter, du moins pour l’instant…

Où prends-tu le plus de plaisir à t’exprimer ? En quoi est-ce différent ?

Bizarrement, l’enseigne devient mon média de prédilection. S’attaquer à l’image de marque commerciale d’une entreprise ou d’une autre entité est pour moi jubilatoire.
Extinction partielle de néons, réorganisation des lettrages ou encore hacking informatique sont pour moi autant de techniques
qui aboutissent au même résultat : le contre-sens.
Retourner les armes de la publicité contre elle-même reste mon sport favoris…

« In our society, pizzas come faster than the police » ça t’arrange bien pour que tu puisse poser des graff ou installations, non ?
Alors pourquoi le critiquer ? 🙂 (second degré)

Bien sur, c’est du second degré ! Ma principale motivation lorsque j’ai posé ce collage était d’imaginer la tête du policier qui allait le lire. C’est vraiment une blague de sale gosse tireur de sonnettes.

Des projets pour 2014 ? De nouveaux environnements à explorer ?

Je poursuis actuellement ma résidence en France jusqu’à cet été où je compte approfondir mon projet «Banksters Project» qui comporte des interventions sur les façades, les enseignes et les DAB des agences bancaires
de Paris et de quelques grandes villes de France.

Je suis également en préparation d’un grand solo-show présenté à la rentrée au centre d’Art PS 122 à New-York.
Il prendra la forme de grandes installations conceptuelles reprenant des thèmes n’ayant pus être abordés dans la rue.
Cette exposition installatoire prendra ensuite la route de la côte Ouest pour Los Angeles si tout va bien.
Dans ce cas, on ne parle bien entendu plus de Street Art… (rires)
 

Un message à faire passer ? Une précision à ajouter ?

Si vous êtes activiste, critique et subversif, vous êtes un Street Artiste.
Si vous êtes consensuel, démagogue et vénal, vous êtes Valérie Damidot.

Martin Parker dans « Graffiti Art Magazine »

4 Mai

Martin Parker quant à lui, se revendique totalement Situationniste, son dernier projet, Banksters Project détourne les boîtes de dépôt bancaire rebaptisées « Borne d’évasion fiscale » pour faire des « Dépôts de valise ». Loin de l’esthétisation, le franco-américain n’est pas là pour faire de la décoration, il a d’ailleurs lancé le mouvement Nasty Urban Piracy, le message est clair.

Dossier « Urban Hacking » coordonné par Samantha Longhi – Textes de Emmanuelle Dreyfus et Julien Vitores pour Graffiti Art Magazine – Avril/Mai/Juin 2014

 

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2014 – « Banksters Project »- Détournement d’enseignes banquaires – France

11 Avr

On continue la tournée des « Banksters » français avec ce  beau « Strike » sur la façade d’une agence du  Crédit du Nord.

Un long repérage fut nécessaire à  cette action pour pouvoir entrer en scène immédiatement après les laveurs de carreaux afin de ne pas attirer l’attention des caméras de surveillance du DAB.

Manquant cruellement de temps, la dépose du lettrage ne se fit pas dans les règles de l’Art mais plutôt en mode bourrin à l’aide d’un pied de biche.

Le montage final et les finitions s’effectuèrent au mastic acrylique de fixation multi-usages… basique mais efficace.

l’Anagramme « Rond de Cuir » s’imposa pour rappeler que nos banquiers ont toujours été et resteront toujours des « Pen Pushers »…

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Banksters Project – Détournement d’enseignes bancaires – Paris – 2014

 

2013 – « Banksters Poject » – Détournement de boîte de dépôt bancaire – France

15 Fév

Cette dernière action de « Urban Hacking » met en scène la banque et le milieu de la finance, un sujet qui me tient à cœur.
Parmi les banques qui vous ouvrent les portes des paradis fiscaux se trouvent un certain nombre de banques françaises.
Derrière des montages financiers complexes , certaines d’entre elles n’hésitent pas à offrir des services d’évasion fiscale. Pardon : d’ « optimisation fiscale » mettant à contribution plus de 340 de leur filiales dans les paradis fiscaux.
Le système étant d’une telle hypocrisie, il me semblait intéressant d’y pointer le doigt comme avait pu le faire deux ans plus tôt le collectif « Sauver les riches » qui était intervenu devant le siège de la BNP Paribas en proposant des petits guides d’évasion fiscale et en distribuant de la monnaie de singe aux passants de la rue : de véritables « Urban Hackers » qui s’ignorent…

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Banksters Project – Détournement Détournement de boîte de dépôt bancaire – France – Paris – 2013

 

2013 – « Banksters Project »- Détournement d’enseignes banquaires – France

3 Nov

Voici la première vague de performances sur le thème « Banksters Project » réalisées dans le cadre de ma résidence en France durant l’année 2013.

Cette série de piratages d’enseignes de Banques Françaises fait écho à mon intervention sur la façade de la banque Lehman Brothers à New York en 2012.

La première étape de ce projet prend allure de « brainstorming » pour trouver les meilleures anagrammes propres à chaque enseigne.

Pour BNP Paribas le choix de « ABRIS A PP » c’est imposé face à « RAPINA » qui comportait moins de lettres.

La deuxième étape pour réaliser ces détournements est un repérage précis des différentes enseignes ciblées afin de déterminer le type de matériel technique à se procurer.
Échelle télescopique rapidement dépliable, gilet et sur-pantalon jaune fluo, casque de chantier et surtout jeu de tournevis avec pinule centrale type 6 pans ou Torx pour vis à empreinte haute sécurité ou encore embouts de vissage pour vis de sûreté « Snake Eyes » seront utiles pour assurer le démontage de certains lettrages d’enseigne récalcitrants.

Une longue série de happenings banquaires feront suite à celui-ci.

Durée de l’installation : toute la nuit + 2 heures.

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Banksters Project – Détournement d’enseignes banquaires – Paris – 2013

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2013 – « Dépose Minute » – Détournement de panneaux – France

22 Sep

Performance Martin Parker été 2013 sur 50 panneaux dans le Val de Marne (capitale du Street Art en France) et Paris 13. Marouflage stickers vinyl sur panneaus de signalisation.

2013 – Common places project – Banc anti-pigeons

27 Avr

Idéal pour la dépigeonnisation de Paris, voici une proposition efficace pour que nos « Rat volants » soient définitivement mis au banc de la société…

Cette installation éphémère a été déclinée sur une vingtaine des bancs publiques place de la Nation et aux alentours de la place des Vosges où les premiers bancs publiques virent le jour en 1605. Durée de vie de l’installation : 4 à 10 heures place de la Nation – 1 heure place des Vosges… L’esprit du préfet Rambuteau veille toujours sur l’ex place Royale !

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Common Places Project – Détournement de mobilier urbain – Pics anti pigeons + scotch double face – Place de la Nation – Paris – 2013

2013 – Common Places project – France

14 Avr

Martin Parker est à Paris !

Il commence par cette installation in situ dans l’Est Parisien qui s’inscrit dans son projet « Common Places« . C’est le début d’une série de « Strikes » qui vont peu à peu se rapprocher de la capitale… L’installation « J’aime mon quartier » sera déclinée plusieurs fois dans différentes communes du 94… puis dans Paris XIII !

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Common Places Project – Détournement de mobilier urbain – Sticker + laisses de chien – Vitry – 2013

Interview World Street Art

8 Avr

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Interview by Tonio – 6 mars 2013

http://www.worldstreetartbyelcommendatore.com/martin-parker/

HIER
Un artiste en particulier qui t’a donné envie de te mettre au graff?

Lorsque j’ai rencontré «Asphalt» (créateur des Paris City Painters) j’ai eu une véritable révélation à la vue de son travail.
C’était la première fois de ma vie que je voyais du lettrage américain. C’est lui qui m’a fait découvrir le «Wild Style» made in New York. Ce gosse des beaux quartiers qui, lui, avait eu l’opportunité de voyager avait importé le graffiti des States. Je pense que c’est par ce petit noyau d’artistes qu’étaient «Asphalt», «Spirit» et «Mambo» que la fabuleuse Histoire du post ou néo graffiti des années 90 et enfin du Street Art d’aujourd’hui a commencé en France.

Pas trop dur de garder son identité, son origine de graffeur quand on est dans une école comme « School of Visual Art » en plein Manhattan ?

Je ne te cache pas que ça a été une vraie torture. La publicité et le design m’emmerdaient copieusement. Je ne voulais entendre parler que d’installation et de performance tant j’excrétais l’état d’esprit qu’on nous insufflait. Je n’avais pas vraiment le profil pour être dans cette école mais j’y ai appris à manier certaines techniques qui font une fois pour toute partie de ma boîte à outils.

Des collaborations qui te restent en tête ?

Ma rencontre avec le collectif «Faile» de Brooklyn qui m’a montré le collage et m’a initié à l’ »Appropriation Art » a été déterminante.
Plus tard le rapprochement avec le collectif LTVS squad m’a beaucoup appris sur le fait de mieux choisir mes lieux de strike.

Regrettes tu cette ambiance qu’il y avait à l’époque où tu graffais dans le métro ?

Malgré les très bons souvenirs et les montées d’adrénaline mémorables de l’époque, très honnêtement, je ne regrette pas cette période «Rough» très hormonale et à vrai dire, assez peu intellectuelle…
En ces temps où la préoccupation principale était de poser plus gros et plus haut que les autres, disons que j’ai appris les techniques de base et que j’ai pu développer cet indispensable sixième sens.

AUJOURD’HUI
Pourquoi ne pas suivre le mouvement de démocratisation et de commercialisation du street art ?

Pour que le Street Art soit démocratique il doit descendre dans la rue et avant tout y rester.
Toute œuvre de Street Art extraite de son contexte n’est plus une œuvre de Street Art. Je n’ai rien contre les artistes urbains qui sont représentés en galeries, leur démarche est respectable (d’ailleurs, j’adorerai avoir un Jonone chez moi…). Il faut juste ne pas se tromper sur les mots. D’ailleurs, peut être faut-il en inventer un afin de mettre un terme à cette éternelle polémique : appelons «Street Art» ce qui reste dans la rue et «Néo-pop-urbain» ce qui descend en galerie et en salle des ventes…

Être dépendant du marché de l’Art quand on est Street Artiste est pour moi totalement antinomique. C’est une réelle perte de liberté qu’on le veuille ou non. Je reste persuadé que l’obligation de produire aliène la passion de créer et c’est encore plus valable dans le cadre d’un art outsider comme l’art de la rue.

Ta vision du street art à l’heure actuelle ?

Je trouve que le Street Art contemporain est très axé sur l’Académisme. On voit des choses sublimes mais très art-décoratif à mon goût, trop figuratives et pas assez défiguratives. l’Art de rue doit avant tout rester de l’activisme même si c’est de l’activisme social.
On sent que tout cela aspire à se retrouver dans un salon du collectionneur entre un Combas et un Vesselman. Un artiste comme Rero (que j’aurai préféré découvrir dans la rue plutôt qu’en galerie) à une vision minimaliste aiguisée et très juste. Un artiste comme Mark Jenkins à un œil résolument contemporain. Invader est un inventeur au sens propre du terme. Ils sont tous trois véhiculeurs de sens.
Je pense que le Street Art de demain a déjà pris cette direction, une direction axée sur le fond, du vrai Street Art avec des vrais morceaux d’idéologie à l’intérieur.

L’un des Banksy à été détaché du mur et « volé » dernièrement en Angleterre…
Qu’est ce que tu en penses ? Est ce que l’œuvre une fois posée dans un lieu public,
appartient toujours à l’auteur ?

Je pense que les services Marketing de Banksy ne savent plus quoi faire pour qu’on parle de la marque.

En ce qui concerne ta deuxième question, il me semble indiscutable qu’une œuvre réalisée dans la rue doit être littéralement abandonnée comme une offrande au public qui doit en faire ce qu’il en veut.
C’est une image en «copyleft» offerte au passant.
Le contraire serait anormal, c’est comme tous les gens inscrits sur Facebook qui s’inquiètent de l’utilisation de leurs informations. Quand on s’y inscrit, on accepte d’auto-violer sa vie privée, sinon, on ne s’inscrit pas…

Comment t’es venu l’idée de placer les «Dance Traffic Signals» lors de la panne de courant à NY ?

Lorsque j’ai constaté le blackout à New York je n’avais jamais vu Brooklyn sans une seule lumière.
J’avais réalisé pour une installation présentée au «Toile All City», Festival d’Art urbain Mexicain des prototypes de boitiers lumineux affichant «Dont’walk – DANCE» en lettres lumineuses fonctionnant sur batteries. L’occasion était trop belle de les installer en plein carrefour à l’angle de la 7ème avenue. À l’abri des lumières de la ville, ils constituaient les seuls points lumineux du quartier !…

Des sources d’inspiration particulières ?

Greenpeace est  pour moi un grand modèle par ses actions coup-de-poing pacifistes et son souhait de vouloir garder son indépendance.
Parmi mes sources d’inspiration se trouve curieusement un graphiste, mais un graphiste qui pratique la négation même du graphisme : Roman Cieslewicz. J’ai toujours apprécié son absence de bavardage.
Le mouvement «Hacktiviste Anonymous» a été également pour moi d’une grande influence.
Mon Art d’aujourd’hui se nourrit plus de l’actualité politique et sociale que de l’influence des courants artistiques.

Qu’est ce qui te pousse à intervenir sur tes différents sujets ? (Hôtel W de New York, Banque Lehman Bro
thers…)
En 2004 nous étions tous concernés par les élections américaines. Nous ne voulions pas d’un second mandat de Bush, il fallait marquer le coup.
Nous avions des complicités à l’hôtel W de New York où nous avons placé en applique sur l’enseigne de l’hôtel une cocarde barrant le W (ce qui constituait précisément le logo «No Bush» arboré par la plupart des militant de l’époque. Habillés d’uniformes du personnel, nous avons ensuite agit au cœur de l’hôtel en remplaçant les rouleaux de papier toilette dans plusieurs suites et chambres par du papier à l’effigie de George W.
Curieusement,c’est la découverte du papier toilette qui alerta la direction ne découvrant le détournement de leur enseigne que quelques heures plus tard…

Pour Lehman Brothers, nous savions que les derniers biens, matériel et œuvres d’Art allait être vendus aux enchères chez Sotheby’s et Christie’s. Nous guettions le démantèlement de l’enseigne principale et lorsque les techniciens et les nacelles arrivèrent, nous sommes tout simplement allés les voir en leur expliquant exactement le projet  : nous voulions inverser quelques lettres de l’enseigne pour y inscrire l’anagramme «Heal Throes» comme si la banque fossoyeur de notre économie pouvait encore guérir de sa propre agonie.
Nous leur avons dit que nous voulions juste faire une photo et tout démonter après, ils étaient tellement amusés par l’idée qu’ils nous ont laissé la nacelle : l’installation éphémère resta visible plus de 2 heures !

Une cause qui te tient à cœur en particulier?

J’adhère assez à la philosophie de l’ancien maire de Londres Ken Livingstone face au manque de moralité de la finance : il propose de «pendre un banquier par semaine jusqu’à ce que les autres s’améliorent»
Quand on sait que chaque année, le système financier international tue plus de gens que la seconde guerre mondiale, je crois que la moralisation du monde de la finance est une cause qui vaut la peine d’être défendue.

Dur de garder son anonymat ?

En effet, j’ai du changer 6 fois d’identité d’artiste en 20 ans pour ne pas être inquiété, mais ça, c’était plus durant ma période “graffiti artist”. Pour rester anonyme, il faut se prêter à une réelle discipline stricte, s’entourer de peu de gens qui soient de confiance et ne pas déroger à cette règle : ne JAMAIS apparaitre !

Ton support et ta technique préférée ?

J’adore vraiment le “Wheatpaste”. C’est une technique simple et qui peut être réellement spectaculaire bien que depuis peu, nombreux sont les Street Artistes qui l’utilisent.
Je commence donc à m’intéresser de près aux nouvelles technologies.
La rétro-projection ou le “electronic hacking” par exemple peut être vraiment payant.
L’intervention de messages détournés sur  les panneaux de signalisation électronique de la North American Highway furent de purs moments de rigolade et d’excitation…

Peux tu nous expliquer le but et la finalité de la « Nasty Urban Piracy » ?

Le concept de piraterie urbaine que j’ai développé depuis 2001 a fait des émules. Il m’arrive fréquemment de recevoir par mail des “Sticking Actions” réalisés par des fans à l’autre bout du monde s’inspirant de certains de mes thèmes. Nombreux furent les panneaux Stop ou les “Traffic Lights Buttons» détournés vus sur le net et les réseaux sociaux. Fidèle au concept d’Appropriation Art, je trouve fantastique que les gens puissent confisquer un concept et le traiter à leur manière et ainsi, le faire voyager. Si le mouvement prend de l’ampleur, Il s’agirait d’un gigantesque courant d’Art Participatif. L’idée d’un art totalement démocratisé comme l’a compris JR avec son projet “Inside Out” m’excite terriblement…

DEMAIN

Beaucoup d’interventions aux États-Unis…A quand la France ?

C’est un projet on ne peut plus d’actualité!… Quelques actions menées déjà en 2012 bientôt à paraître sur mon blog et de futurs interventions dont le repérage a déjà commencé. Mais je ne donnerai aucun rendez-vous ! Les strikes toujours très éphémères seront visibles par le passant qui aura la chance d’être là, et puis il y aura toujours le témoignage photographique.

Planning chargé en 2013 ?

L’ Europe sera mon champs de bataille, puis, mon irrépressible besoin de reconstitution me poussera à réaliser quelques installations qui seront présentées dans des centres d’Art aux États-Unis, mais là, on ne parle plus de Street Art…

Des nouvelles techniques en vue ?
Internet me semble un terrain de jeu encore plus vaste que notre planète à proprement parler!…

Quelque chose à rajouter ?

Le Street Art du 21e siècle se doit d’être plus alternatif que figuratif, plus critique qu’esthétique, plus théâtral que pictural. Le reste, appartient aux émissions de déco sur M6.

Martin Parker à contre-courant de “l’esthétisation” du Street Art

19 Mar

ImageMartin Parker incarne sans nul doute le nouveau mouvement
d’art urbain né aux États-Unis. Plus proche d’un art situationniste
il initie le mouvement NUP (Nasty Urban Piracy)

À l’heure où l’art urbain s’est institutionnalisé et a désormais sa place dans les galeries, les musées et les salles de ventes partout en Europe et dans le monde, un nouveau mouvement voit le jour sur la côte-est des États-Unis au milieu des années 2000.

Initié par l’artiste franco-américain Martin Parker et le collectif LTVS Squad fanatique de l’exploration urbaine à New-York, le mouvement NUP (Nasty Urban Piracy) est un courant du Street Art qui refuse la picturalité et l’esthétisation comme seule et unique finalité.

Par ses actions, Parker exprime sa conception du Street Art sous forme de questions fondamentales :
Faut-il considérer que la seule ligne directrice de cet Art par définition outsider soit simplement illustrative et picturale?
Au départ, le but de l’Art de la rue n’était-il autre que l’expression d’idées pour la plupart subversives ou la revendication d’opinions souvent politiquement incorrectes ?

La « Nasty Urban Piracy » remet au goût du jour le côté contestataire du grafitti américain des anées 70 en y insufflant une dose d’activisme social qui nous manquait.

Plus proche du situationnisme, mêlant installation et performance, NUP nous embarque dans l’Art du sens bien loin de l’Art décoratif.

Résolument contemporain tant par ses médiums que par ses techniques, NUP mèle l’installation in-situ, la vidéo, la performance éphémère à travers une expression visuelle minimaliste pour que la forme ne parasite jamais le fond.

En éliminant le bavardage graphique et en ne se situant pas dans la représentation, NUP redonne aux mots toute leur portée et aux messages toute leur force.
On retrouve ce mode d’expression plastique minimaliste chez les artistes de même génération Rero, L’Atlas, Zevs ou encore Mark Jenkins qui ont pris ce virage depuis déjà plusieurs années.
Nourris dès le berceau par les techniques de Guerilla et autre Street Marketing qu’ils empruntent à l’industrie de la publicité et de la communication, ces jeunes artistes retournent les armes du monde de l’hyper-consommation contre lui-même.

En détournant les enseignes publicitaires, en «hackant» les panneaux informatifs électroniques ou en s’appropriant les panneaux d’affichage, Martin Parker utilise des mediums résolument contemporains pour traiter des sujets d’actualité.
”Dans la pollution visuelle environnante, il faut utiliser le minium de signifiant pour exprimer un maximum de signifié” déclare-t-il après son intervention sur l’enseigne Lehman Brothers en 2012.

À la frontière de l’expression idéologique, de l’action politique, de la performance artistique et de l’installation contemporaine, plus défiguratif que figuratif NUP est l’équation parfaite d’un Art réellement “engagé”.

Il s’avère que le mouvement néo-Street Art se dirige très logiquement vers cette tendance pendant que les pionniers du graff rejoignent peu à peu le panthéon du Pop-Art gagnant les collections privées prestigieuses et bientôt les musées…

Pour Parker, l’Art de la rue ne doit plus être le prolongement et la promotion du travail de l’artiste en galerie. Il doit redevenir subversif, activiste et… gratuit comme à sa genèse.

Propos recueilli par Paul William Gunningham